Les propriétés mécaniques et antisismiques

Le professeur Janssen est un scientifique de l'université de Eindovhen, qui a travaillé durant plus de 30 ans à l'homologation du bambou et de la guadua en particulier en tant que matériau de construction high tech.

"Janssen et ses collègues du Costa Rica ont été particulièrement satisfaits des résultats de ce que Janssen appelle un essai en grandeur nature non planifié.
En avril 1991 un tremblement de terre de 7,5 magnitude a frappé le Costa Rica. Vingt maisons en bambou ont résisté à l'épicentre du tremblement.
Jorge Gutierrez, le superviseur du projet, se rappelle de cette journée, d'un trajet jonchés maisons et d'hôtels en béton effondrés. Craignant le pire, il a finalement trouvé chacune des 20 maisons intactes. Il se rappelle qu'aucune d'entre elles n'avait a moindre fissure.

L'intérêt majeur du bambou en cas de tremblement est sa légèreté.
L'equation est simple: la force est égale à la masse par l'accélération. Plus la masse est importante plus la force est importante. Des maisons de ciment magnifient la force d'un tremblement.
On voit d'ailleurs souvent des batiments en béton qui bien qu'aux normes antismiques subissent de sévères dommages comme cela a été le cas lors du tremblement de terre de Kobe au Japon.

La force avec laquelle il faut compter est le cisaillement.
Le cisaillement se produit quand deux forces se déplaçant en directions opposées se heurtent et glissent en passant l'une contre l'autre, comme les lames d'un ciseaux.
Si nous avons un tremblement de terre, cela signifie que la terre se déplace horizontalement.
Une maison a une masse, qui prend du temps à accélérer, et est donc en retard par rapport à la terre sur laquelle elle repose. Quand la terre change de direction, elle percute la force de la maison avançant, infligeant un cisaillement extrême.

Le bambou par contre absorbe l'energie et montre une flexibilité bien supérieure aux autres matériaux de construction. Bien que le bois soit léger, il a des points faibles : lignes de grain (grain lines) et noeuds, parties d'où les branches sortent du tronc. Tous deux peuvent céder sous l'effort. Le bambou n'a ni l'un ni l'autre.

Si l'on regarde la structure intérieure du bambou, les petits points noirs sont les fibres de cellulose (40%), qui courent le long du chaume, transportant les aliments des feuilles jusqu'aux racines.
Le matériau de remplissage de couleur plus claire est la lignine (51%). La cellulose est très résistante, alors que la lignine est relativement faible et molle. En tant que composite, on bénéficie des qualités des deux matériaux.

Janssen compare le bambou au béton armé.
La lignine est le béton: elle tient les fibres de cellulose en place et les empêche de se déformer.
La seule lignine, comme le seul ciment, s'éffondrerait sous le poids d'un toit. La cellulose joue le rôle des barres en acier de renfort.
La cellulose seule, comme des fers a béton seuls se tordraient. Ensemble, cependant, la cellulose et la lignine sont une expression inégalée de la magie botanique, le tout étant plus grand que la somme de ses parties.
Le bambou est creux. C'est un avantage dans la mesure ou c'est une forme très résistante.
Si le bambou n'étaient pas formé comme un tube, si nous avions la même quantité de matière agglutinée formant une tige étroite, nous aurions quelque chose de beaucoup plus fragile
De même, si l'on prend la même quantité de matière mais en allongeant la circonférence on perd la force".

D'autre part , contrairement au bois, dans lequel la partie la plus dure et donc la plus résistante à la compression est au centre, la couche de silice (composé ultra résistant que l'on trouve dans le sable) ainsi que la plus forte densité de fibre se trouve à l'extérieur. D'autres part les fibres de bambous sont longitudinales quand les fibres de bois plus courtes sont un mélange radial-longitudinal moins efficace à la compression.
Dans ce domaine le bambou est largement plus efficace que le bois mais aussi 2 fois plus que le ciment".
Janssen affirme qu'une surface de 10 cm² résiste à 5,5 tonnes soit le poids d'un éléphant (78 newtons/mm²)
Son ratio poids/résistance est impressionant, comparable a celui des fibres de carbone.
En effet, les fibres de guadua mesurent jusqu'à 1 cm de long, alors que celles du bois ne font qu'approximativement 2mm de long.
En revanche, le bois résiste en général mieux à la force de flexion.

Concernant la traction, plus on étire le bambou, plus les fibres et la lignine se concentrent et mieux il résiste.
Avec une résistance à la traction jusqu'à 40 kN/cm2, la guadua surpasse facilement les fibres de bois de construction (approximativement 5 kN/cm2), ou même l'acier (36 kN/cm2).

Avec toutes ces qualités, pourquoi n'est il pas plus utlisé au niveau mondial ?
Est-ce seulement une question des normes et des codes ?
Il y a le problème des xylophages qui s'alimentent de lignine. Pour empêcher ceci, le bambou doit faire l'objet d'un traitement par immersion, un processus exigeant l'équipement et l'expertise technique dont beaucoup de villages manquent.

Les fungis sont un autre souci dans les tropiques.
Vous avez besoin d'un toit avec un grand surplomb pour éviter l'humidité sur les murs et une bonne circulation d'air, ainsi si la pluie vient horizontalement en raison du vent violent, elle permettra au bambou de sécher.
Un bambou humide se décomposeen quelques semaines alors qu'une maison en bambou bien-construite, durera facilement 30 ans. En Colombie il n'est pas rare de trouver des maisons centenaires.

Être creux a également des inconvénients. Pour cette raison, le bambou brûle très rapidement.
A Changhaï, Le feu d'un bâtiment en bambou densément habité a laissé 500 personnes mortes en une demi-heure. Pour des raisons de sécurité, les bâtiments en bambou à plusiers étages sont rares. Il est possible de les construire, mais il vaut mieux l'éviter en raison du risque d'incendie ou enduire les parois de bambou déroulé de ciment.
Avec un logement sans étage et unifamilial, le feu pose peu de danger.
Les maisons en bambou sont ouvertes et légeres. Si quelque chose se produit, tout le monde peut sortir par les portes, les fenêtres, même les murs.

La forme tubulaire du bambou présente certaines énigmes structurales aussi. Les joints, par exemple. Il n'est pas conseillé de clouer deux tubes creux ensemble, Les tiges filetés ne sont pas non plus une solution parfaite. C'est un problème car peu importe les matériaux de construction, la structure n'est qu'aussi forte que ses joints.
La méthode Colombienne est le remplissage des joints de ciment, celle de Janssen, plus écologique est d'insérer des cylindres en bois plein dans les extrémités du bambou.
Le joint se comporte alors comme un joint en bois conventionnel
Cependant l'obstacle majeur est l'attitude.
Le bambou a été toujours regardé comme bois de construction du pauvre.

Les attitudes sont particulièrement glaciales au niveau des gouvernements.
Janssen rappelle un projet au Burundi pour lequel il avait soumis une proposition.
Bien que ses structures en bambou aient été meilleur marché, plus climatisées et plus esthétiques que d'autres options, c'est la construction en béton qui l'avait emporté. Il n'y avait rien à faire.
Les chefs du pays ont voulu un projet de développement moderne sur le modèle occidental à base de briques, de métal et ciment renforcé.